Interview
La Chine : un « terrain de jeu » extrêmement vaste
Thibaut Fabre, Directeur de Business France pour la Chine, décrypte les opportunités qui s'offrent aux entreprises françaises avec la volonté de la Chine de s'ouvrir davantage aux importations.

« Il faut bien se préparer et venir avec une vraie proposition de valeur. C’est essentiel. La Chine n’est pas un marché sur lequel on vient par hasard. Cela doit obéir à une réflexion, un choix, une démarche structurée qui doit s’inscrire dans la durée ».
Quels sont les secteurs qui vont profiter le plus de cette ouverture aux produits d’importations ?
Au regard de la taille et de la profondeur du marché chinois, on voit que bien l’on est sur un « terrain de jeu » extrêmement vaste ; chaque secteur représentant de très belles opportunités. Sur les mois écoulés, je retiens en particulier l’annonce de la mise en oeuvre d’une nouvelle loi sur les investissements qui contient des messages positifs en matière d’égalité de traitement entre investisseurs locaux et investisseurs étrangers. Cela témoigne d’une volonté d’ouverture plus importante et d’un accès marché simplifié.

Mais, il convient de rester vigilant. Il faudra attendre la publication des décrets d’application pour mesurer concrètement la portée de cette annonce et le nouvel espace de développement commercial qu’il offre à nos entreprises. Cela peut en tout cas aider nos PME industrielles à investir en Chine avec un ticket d’entrée plus accessible, moins gourmand en mobilisation de capital. Je note également que le consommateur chinois aspire à mieux consommer. Il est de plus en plus attentif à son environnement, sa santé, ses loisirs, mais aussi à la qualité, et à la sécurité alimentaire des produits.
Dans ce contexte, l’offre française est particulièrement bien positionnée et devrait bénéficier pleinement de la baisse des droits de douane qui vise essentiellement les biens de consommation. Du côté des barrières non tarifaires, qui demeurent le principal obstacle, on note également des avancées intéressantes dans le domaine agroalimentaire et pharmaceutique.
Je pense par exemple à l’accélération des procédures d’homologation des médicaments ou encore à la simplification de l’enregistrement des produits cosmétiques. Enfin, il y a eu des avancées majeures sur le segment de l’agro alimentaire, avec la levée de l’embargo en 2018 sur la viande bovine d’origine française et l’obtention de nouveaux agréments pour des usines (filières porcine, bovine et laitière).
Nous sommes à un moment où les signaux sont incontestablement positifs sur un marché chinois qui a gagné en maturité, mais aussi en exigence.
Quels conseils donnez-vous aux entreprises tricolores qui veulent exporter vers la Chine ?

Il faut d’abord bien se préparer et venir avec une vraie proposition de valeur. C’est essentiel. La Chine n’est pas un marché sur lequel on vient par hasard. Cela doit obéir à une réflexion, un choix, une démarche structurée qui doit s’inscrire dans la durée. Cela doit être une stratégie assumée et partagée par tous au sein de l’entreprise. Les entreprises gagnantes sont celles qui ont approché la Chine dans une logique de partenariat de long terme.
Il faut également se poser les bonnes questions : c’est à dire où, comment et avec qui. Il n’y a en effet pas un mais des marchés chinois compte-tenu de la taille du pays. On ne vend pas ses produits de la même façon et on ne s’appuie pas sur les mêmes acteurs à Pékin, dans le Guangdong ou encore à Chengdu. Il ne faut donc pas se disperser et savoir choisir ses marchés et interlocuteurs cibles. Il n’existe pas de la même façon de « contact » providentiel en Chine.
La relation se construit dans la durée. Le « avec qui » est en effet un facteur essentiel : l’identification de son partenaire doit être faite avec beaucoup de soin. Idem pour le « comment », où tous les formats sont possibles : contrat commercial, prestation de service, contrat de gestion, franchise, JV ou WFOE (Wholly Foreign Owned Enterprise). Les options sont multiples et en fonction des projets nécessitent de bien évaluer les contraintes et avantages associés à chacune d’entre elles.
Enfin et sans doute encore plus qu’ailleurs – car la Chine oblige à « changer de lunettes » - il est nécessaire d’être bien accompagné si l’on veut attaquer le marché chinois. C’est un élément déterminant.
Quels sont justement les dispositifs d'accompagnement proposés par Business France ?
Business France en Chine est dans une logique d’amorçage, de stratégie d’entrée sur le marché. Nous aidons les entreprises dans le choix et l’identification de leurs partenaires, via des salons, des « road-shows » d’entreprises ou encore des programmes d’accompagnements individuels. Il s’agit de leur faire la courte échelle et d’être un accélérateur de business. Pour ce faire, nous privilégions une approche filière et nous engageons aux côtés des entreprises dans une logique de résultat, en mesurant l’impact de nos actions.
Nous avons développé par ailleurs un certain nombre de programmes structurants spécifiques que nous conduisons et animons en partenariat avec Bpifrance. Enfin, nous assurons la promotion et gestion du dispositif V.I.E.. Un véritable vivier de talents et de recrutement pour les entreprises. En Chine, 150 entreprises ont déjà fait ce choix et emploient plus de 250 V.I.E.
Nous menons toutes ces actions de concert avec le réseau des Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) en France et bien entendu en étroite collaboration avec les équipes de la CCI France Chine. A Shenzhen, nous avons même décidé de partager nos bureaux. Il s’agit de proposer un service « sans couture » pour faire réussir nos entreprises. Le comité Chine des CCEF et les prestataires privées (OSCI et conseils juridiques), jouent un rôle important dans cette stratégie pour « fixer » durablement les entreprises françaises sur le marché chinois.
Au total, c’est résolument dans l’état d’esprit « Team France Export » que nous intervenons, en liaison étroite avec l’ensemble des services de l’ambassade.
Propos recueillis par Pierre TIESSEN pour Connexions numéro 87, mai 2019.